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La biographie suivante est issue de l'ouvrage «Le Dictionnaire du Rock» – coffret en trois volumes – publié sous la direction de Michka Assayas.(Collection Bouquins,© Editions Robert Laffont, 2000)
Révélé au début des années 80, ce chanteur de Melbourne (Australie), fixé à Londres, Berlin puis Sao Paulo (Brésil) a suivi un parcours aussi original que singulier. Hanté par une vision fantasmatique du sud des Etats-Unis, Nick Cave a développé, après la séparation de The Birthday Party, un style narratif très expressif, mettant en scène un théâtre de personnages aux prises avec leurs tourments, marqué par la vision du monde puritaine : péché, remords et quête de rédemption. Née du carambolage des musiques traditionnelles américaines — blues, country, gospel — et de la violence héritée du punk, sa musique, grinçante à ses débuts, s’est adoucie au fil des albums sans perdre de sa puissance. Elle est devenue une source d’inspiration pour de nombreux artistes comme P.J. Harvey, Tindersticks et Gallon Drunk.
Troisième fils d’une bibliothécaire et d’un professeur de littérature anglaise, Nick Cave grandit dans une ville de campagne de la province de Victoria, au sud-ouest de l’Australie. Il commence à chanter dès l’enfance au sein du choeur de l’église de Wangaratta, mais ses goûts musicaux sont encore marqués par ceux de son frère aîné, qui écoute surtout des groupes anglais de musique progressive, tels Pink Floyd ou Procol Harum. Il s’en détachera à partir de 1973, découvrant Aladdin Sane de Bowie et Raw Power d’Iggy Pop, qu’il achètera sur la seule foi de la pochette. Renvoyé de l’école à l’âge de douze ans, il termine sa scolarité dans une pension de Melbourne, puis entre aux Beaux-Arts. Ses travaux sont jugés suspects par les professeurs, et il est recalé en fin de deuxième année. Cet échec, souvent regretté par la suite, accélère son implication dans la musique. Il forme les Boys Next Door en 1977 avec des amis parmi lesquels se trouve Mick Harvey, un multi-instrumentiste qui lui est toujours resté fidèle. C’est également à cette époque qu’il rencontre Anita Lane, sa « muse », avec qui il vivra pendant plus de dix ans. Le guitariste Rowland S. Howard les rejoint en 1978. Le groupe publie Door Door (1979), un album de rock assez classique, où la personnalité de Cave affleure sans complètement se dévoiler. Se sentant à l’étroit en Australie, le groupe déménage pour Londres au cours de l’été 1981. La métamorphose se produit : rebaptisé entre-temps The Birthday Party, il publie trois albums brûlants de 1981 à 1982. Mais l’ambiance se dégrade peu à peu sous l’effet des histoires de drogues et du désintérêt progressif du public. La retransmission d’un concert du groupe allemand Einsturzende Neubauten persuade Cave de s’installer à Berlin pour profiter de l’influence créatrice dont cette ville leur semble chargée. Le regain d’énergie ne dure que quelques mois, Howard se sentant de plus en plus rejeté du groupe où Nick Cave lui vole la vedette. La séparation est effective à l’été 1983. Howard rejoint Crime And The City Solution.
Nick Cave vit alors entre Berlin et Londres. Il donne une série de concerts intitulés « Nick Cave, Man or Myth ? » dans les premiers mois de 1984, accompagné par les Cavemen — jeu de mots entre « hommes de Nick Cave » et « hommes des cavernes » —, groupe constitué de Blixa Bargeld à la guitare (également chanteur d’Einsturzende Neubauten), Barry Adamson (bassiste, ancien membre de Magazine) et le fidèle Mick Harvey à la batterie. Prévu pour n’être qu’un groupe temporaire, il figure dans le 45 tours « In The Ghetto » — une reprise d’Elvis Presley — sous le nom des Bad Seeds (Les mauvaises graines) puis sur tous les albums de Nick Cave, dont il devient le groupe attitré. Formés autour de Harvey et Bargeld, « non-guitariste » au jeu iconoclaste et déstructuré, les Bad Seeds accompagnent depuis Nick Cave sans l’encombrer. Leur composition évoluera d’ailleurs au fil des albums en fonction de l’évolution de l’univers musical de Nick Cave. From Her To Eternity (1984), paru chez Mute, s’ouvre sur une reprise d’« Avalanche » de Leonard Cohen, placée en entrée comme pour annoncer le déluge à venir. La suite est très heurtée : la basse et la batterie assurent l’ossature, parfois soutenues par un piano plus percussif que mélodique, tandis que Bargeld cisaille le morceau d’une guitare qu’il semble lacérer. Cave râle, hulule sans se préoccuper des fausses notes. L’ensemble tient pourtant la route, confirmé par les concerts du groupe. Sur scène, Cave méduse le public par la variété de ses humeurs et des personnages qu’il campe, parfois bouffon, parfois prêcheur fou. S’il joue la comédie, c’est pour mieux rester insaisissable. Il s’invente une queue qu’il aurait fallu lui couper à la naissance et un frère jumeau mort-né qu’il n’a, contrairement à Elvis Presley — à qui il voue une fascination grandissante —, jamais eu.
The First Born Is Dead (1985) s’ouvre par « Tupelo », fresque narrative inspirée par un morceau du même nom du bluesman John Lee Hooker où sont évoqués la venue du Christ, roi des rois, et la naissance d’Elvis Presley — né précisément à Tupelo, dans le Mississippi —, roi du rock. En 1986, le batteur Thomas Wydler (né le 09-10-1959 à Zurich, Confédération helvétique), membre du groupe allemand Die Haut, rejoint les Bad Seeds. Nick Cave publie Kicking Against The Pricks (1986) un album entièrement composé de reprises, classiques nés principalement de blues ou de la country, comme « By The Time I Get To Phoenix ». Certaines interprétations sont fidèles aux originaux, mais Nick Cave impressionne par ses relectures de « Hey Joe » ou d’« All Tomorrow’s Parties ». La présence de titres soul et gospel annonce une nouvelle voie musicale, plus calme et plus mélodique, significative de l’intérêt de Cave pour Tom Jones ou le compositeur Burt Bacharach. Publié la même année, Your Funeral... My Trial (1986) confirme cette orientation. En 1987, Wim Wenders, fan de longue date du groupe, utilise deux de ses morceaux pour Les Ailes du désir. Cave et son groupe apparaissent aussi à l’écran au cours d’un extrait de concert intense où ils interprètent le morceau « From Her To Eternity ». Dans le même registre, Cave, Bargeld et Harvey signent la musique du film australien Ghosts... Of The Civil Dead, histoire d’une révolte dans un « quartier de (très) haute sécurité ». Cave y tient le rôle d’un psychopathe, sans convaincre vraiment. Quand il revient à la musique, Adamson a quitté le groupe pour une carrière solo, remplacé par l’inévitable Harvey. Kid «Congo» Powers, ancien membre des Cramps et du Gun Club, devient le deuxième guitariste (il ne restera que le temps de deux albums). Sur Tender Prey (1988), Nick Cave semble par moments vouloir retrouver la folie furieuse qui habitait ses premiers albums. Le simple épique « The Mercy Seat », échevelé et mélodieux, résume parfaitement cette dualité. La publication de cet album coïncide avec le début d’une cure de désintoxication qu’il entame après avoir été arrêté en janvier 1988 pour possession d’héroïne. Malgré le succès grandissant, Nick Cave délaisse la musique et publie en 1989 le roman And The Ass Saw The Angel (Et l’âne vit l’ange), histoire d’un garçon muet basculant dans la folie. Imprégné de références bibliques et de patois hillbilly, ce livre difficile à digérer rappelle les textes abscons de ses premiers titres. Dédié à Anita Lane, de qui il vient de se séparer, il ressemble aussi à une libération, un solde de tout compte avant un nouveau départ.
Fatigué de l’Europe, Nick Cave découvre le Brésil. Loin de la samba et des plages, il s’installe avec sa toute nouvelle épouse, une Brésilienne, à Sao Paulo, métropole industrielle du sud du pays. Les Bad Seeds le rejoignent pour l’enregistrement de l’album The Good Son (1990), dont le classicisme mélodique et la simplicité stylistique tranchent avantageusement avec le style complexe du livre. Un ensemble à cordes joue sur la majorité des morceaux, apportant une touche de majesté. Sur la pochette, Nick Cave est assis à un piano, habillé de blanc, entouré de petites filles nullement effarouchées : c’est le fils prodigue, l’homme apaisé enfin en accord avec lui-même. Pour Henry’s Dream (1992), il s’affiche en prêcheur halluciné. Le pianiste Conway Savage et le bassiste Martin P. Casey, ancien membre du groupe australien les Triffids, ont rejoint les Bad Seeds. Harvey retrouve son rôle de touche-à-tout. La même année, Nick Cave se plie à la tradition des disques de Noël : il enregistre avec l’ancien chanteur des Pogues Shane MacGowan une reprise titubante du standard «What A Wonderful World» créé par Louis Armstrong. Depuis 1993, Nick Cave est confortablement installé dans son rôle de grand méchant chanteur et ses diverses activités musicales. Après la publication de Let Love In (1994), un album intense, un de ses plus accessibles, néanmoins sans surprise, sur lequel Rowland S. Howard fait une apparition, il est invité à participer au festival américain indépendant Lollapalooza à l’été 1994. Il a mené à terme son projet solo Murder Ballads (1996), album de ballades morbides chantées en duo, dont le plus étonnant est celui, magnifique, de « Where The Wild Roses Grow », où apparaît la chanteuse de variétés Kylie Minogue. P.J. Harvey y reprend aussi avec lui « Henry Lee ». The Boatman’s Call (1997) a frappé par sa franchise et son honnêteté introspective. Dans cet album très dépouillé, Nick Cave évoque son récent divorce et la liaison qu’il a eue peu après avec P.J. Harvey. The Best Of Nick Cave a été publié en 1998. De son côté, Mick Harvey a enregistré des musiques de films, joué pour l’album To Bring You My Love (1995) de P.J. Harvey, produit l’ex-Go-Between Robert Forster, et publié Intoxicated Man (1995), album constitué uniquement de reprises de Serge Gainsbourg.
De nombreux groupes «gothiques», naïvement férus d’occultisme et de surnaturel, se sont réclamés de Nick Cave. À leur différence, pourtant, le sens du drame, aussi noir soit-il, s’est toujours accompagné chez Nick Cave d’une ironie et d’une distance qui permettent à chacun d’en aborder aisément la profonde richesse